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vendredi 8 mai 2015

David Bowie : Partie 4 : Période expérimentale (1977-1980)

Après avoir réglé ses problèmes avec la cocaïne, Bowie rencontre le génial Brian Eno qui le pousse à expérimenter, ce qui débouche sur la trilogie berlinoise, véritable sommet de la carrière de Bowie.

Low (1977) : 4,5/5
Durant la trilogie berlinoise, les principaux acolytes de Bowie seront Brian Eno et Tony Visconti. Brian Eno, d'abord claviériste de Roxy Music, a commencé sa carrière solo en 1974 avec "Here Come The Warm Jets". Cet album, tout comme "Another Green World" et "Before And After Science", est un album d'art rock avec des mélodies efficaces et des arrangements complexes. Le reste de la discographie de Eno sera principalement des albums de musique ambient comme "Discreet Music", "The Pearl" ou encore "My Life In The Bush Of Ghosts". Véritable génie créatif, il impose à Bowie un mode de composition très étrange : "les Stratégies Obliques". "Les Stratégies Obliques" est un jeu de cartes avec des indications sur les cartes du type "pense à la radio", "manque-t-il quelque chose ?", "fait une action soudaine et incorpore la"... Ces indications doivent débloquer la créativité. Et ça marche ! De plus, Bowie est influencé par des groupes comme Kraftwerk ou Neu! qui le décident à incorporer des éléments électroniques dans sa musique. "Low" est divisé en deux parties. La face A propose des morceaux d'art rock, avec des riffs, des synthés, et souvent du chant. C'est la face qui déstabilise le moins. La face B propose 4 pièces proches de la musique ambient. La face A s'ouvre sur "Speed Of Life", un instrumental aux riffs efficaces et enjouées. L'élément le plus étrange est la batterie "traitée" électroniquement. "Breaking Glass" est un court (moins de 2 minutes) mais très bon morceau. On y retrouve les mêmes instruments que sur "Speed Of Life", mais avec le chant de Bowie en plus. "What In The World" est un morceau qui fut rejeté de l'album "The Idiot" d'Iggy Pop (produit par Bowie). Iggy Pop chante d'ailleurs les choeurs sur ce morceau. C'est un morceau joyeux et déjanté. La mission d'Iggy Pop durant les sessions de "Low", en plus de chanter sur "What In The World", était de divertir le groupe en faisant le dingue ou en racontant des anecdotes. "Sound And Vision" est le morceau le plus connu de l'album. Avec son riff entêtant, et sa mélodie, interprété par deux voix (toutes de Bowie, sauf qu'une est quasiment parlée et très grave, et l'autre est aiguë et puissant). "Always Crashing In The Same Car", inspiré par un accident de voiture qu'a eu Bowie dans un sous-terrain à Berlin, est moins "joyeux"que les autres morceaux. Avec son saxophone hypnotique, sa guitare pesante et lente, jouée à la wah-wah, et le ton solennel et grave de Bowie. "Be My Wife" est une sorte de ballade hard rock profondément atteinte. "A New Career In A New Town" est un instrumental qui clôt efficacement la face A. La face B s'ouvre sur "Warszawa" est une pièce dont la quasi-totalité fut composée par Eno, après avoir vu le fils de Tony Visconti jouer les notes la, si et do en boucle sur un piano. Bowie aura ensuite apporté quelques touches et la partie vocale finale (pour l'enregistrer, le ton de la voix de Bowie étant trop grave pour la chanter directement, Visconti ralentit la bande, puis ré-accéléra la bande, et par la même occasion la voix de Bowie, ce qui donne côte "voix d'enfant" au morceau). "Warszawa" est une très belle pièce avec une mélodie magnifique, et une introduction qui rappelle furieusement le thème du film "Orange Mécanique" de Stanley Kubrick. Les morceaux suivants, "Art Decade", "Weeping Wall", et "Subterraneans" sont plus faibles, mais s'avèrent intéressants, surtout lorsqu'on sait comment ils ont été composés. Bowie et Eno enregistrait des clics de métronome à un tempo choisi au préalable, et composait chacun de leur côté des parties instrumentales sur ces clics. A la fin, ils assemblaient le tout. "Low" est un véritable tour de force. Le meilleur album de Bowie. Pas forcément facile d'accès, mais une fois apprivoisé, on ne peut que l'adorer. A noter : écoutez les lignes de basses. Elles sont incroyables.

"Heroes" (1977) : 4,5/5

Convaincu par la réussite artistique que fut "Low", Bowie retourne tout de suite en studio pour enregistrer le deuxième volet de la trilogie berlinoise : "Heroes". Autre album majeur, "Heroes" garde toujours les mêmes génies à son bord ; Brian Eno et Tony Visconti. De plus, Robert Fripp, le guitariste génial de King Crimson, vient interpréter les parties de guitare principales. Comme sur "Low", les deux faces de l'album proposent leur univers musical. La première propose 5 morceaux entre funk, rock, blues, progressif et électronique, la seconde propose 5 pièces ambient. Bowie et Eno ont continué à utiliser "Les Stratégies Obliques" pour composer cet album. "Beauty And The Beast" ouvre l'album d'une façon funk, loufoque et jubilatoire. C'est un morceau dansant et excellent. La guitare de Fripp y est traité comme un synthétiseur (le traitement de la guitare de Fripp sur "Beauty And The Beast" ressemble à celui que l'on peut trouver sur le morceau "Sky Saw" de Brian Eno sur l'album "Another Green World", que je vous conseille vivement) et la voix de Bowie y est très grave.  "Joe The Lion", inspiré par Chris Burden, artiste contemporain connu pour se faire tirer dessus pendant ses performances, ou pour s'être crucifié sur sa Volkswagen, est un morceau rock très efficace. Pour ce morceau, Bowie demanda à Fripp de jouer à la manière d'Albert King. Cela donne des riffs et des thèmes intéressants. Le chant de Bowie y est quasiment crié, très plaintif. "Heroes", le morceau titre, est tout simplement un des meilleurs morceaux que Bowie n'ai jamais compos". Une merveille qui me donne des frissons, même après des dizaines et des dizaines d'écoutes. Partant d'une suite d'accords simple comme bonjour, Bowie y a posé sa partie vocale intense, et les musiciens y ont posé diverses texutes et parties instrumentales pour donner une morceau atmosphérique et puissant. Un classique. "Sons Of The Silent Age" est un morceau sympathique, mais plus faible que la majorité de l'album. "Blackout" est un autre rock efficace, dans la veine de "Joe The Lion", et qui clôt admirablement la face A. La face B s'ouvre sur "V-2 Schneider", un morceau ambient un peu trop tiré sur la longueur, mais très plaisant tout de même. Suit "Sense Of Doubt", un morceau très sombre. Pour le composer, Bowie et Eno se sont séparés. L'un a enregistré une descente chromatique de basses au piano et des accords de Chamberlin (synthé qui sonne très daté aujourd'hui) tandis que l'autre a enregistre quelques notes cristallines et discrètes sur un autre synthétiseur. Ils ont assemblé le tout, et ça fonctionne bien. Les morceaux suivants, "Moss Garden", "Neuköln", et "The Secret Life Of Arabia" sont plus lassants, et donc moins réussis. Ce sont eux qui empêchent "Heroes" de toucher les 5 étoiles. Mais "Heroes" reste une grande oeuvre et un album indispensable.

Lodger (1979) : 4/5


Pour le dernier volet de la trilogie berlinoise, Bowie remplace Robert Fripp par Adrian Belew qui, ironie du sort, deviendra ensuite guitariste de King Crimson. L'album est clairement inférieur à "Low" et "Heroes", mais il reste tout de même très intéressant et plaisant. Ici, pas de dualité face A/face B. Bowie multiplie les références à sa musique ; "Boys Keep Swinging" reprend la même suite d'accords que "Fantastic Voyage", les choeurs de "Move On" sont en fait les choeurs d'"All The Young Dudes" passés à l'envers, et quelques morceaux viennent de sessions antérieures. Les meilleurs morceaux sont "Fantastic Voyage" et sa mélodie puissante et la performance incroyable de Bowie au chant, "African Night Flight" qui se situe entre world music et rap, le cynique "D.J", le single "Boys Keep Swinging" sorte de relecture plus rock de "Fantastic Voyage", et "Move On", morceau entêtant. Les autres morceaux sont plus dispensables et empêchent "Lodger" d'égaler les autres volets de la trilogie berlinoise. Malheureusement, cette place fait de "Lodger" un album injustement mal aimé. Ecoutez le en essayant d'oublier "Low" et "Heroes", et je suis sûr que vous l'aimerez. Laissons à "Lodger" une seconde chance.


Scary Monsters (And Super Creeps) (1980) : 3,5/5

La trilogie berlinoise est fini. Le succès critique est retentissant, celui commercial un peu moins. Avec "Scary Monsters (And Super Creeps)", Bowie sort sa dernière oeuvre novatrice ET réussie. Brian Eno est parti, mais Tony Visconti est resté. Robert Fripp est revenu, et Pete Townshend est arrivé. Beau casting donc. David Bowie livre un album entre la new wave et l'art rock de la période Eno. Après Ziggy Stardust, après Aladdin Sane, après Halloween Jack et après Thin White Duke, voici Pierrot. David Bowie règle ici ses comptes avec les années 1970 en enterrant tout ses anciens personnages (l'exemple le plus marquant étant Major Tom, héros de "Space Oddity" qui est violemment attaqué dans "Ashes To Ashes"). L'album, si il comporte pas mal de moments faibles, propose parfois de très bons moments. Le morceau "Ashes To Ashes" compte parmi les plus beaux morceaux pop de Bowie, "Fashion" reste un funk très sympathique, et "Up The Hill Backwards" est une belle réussite. Le reste va du correct au très moyen. Mais l'album reste quand même à écouter, surtout quand on connaît la suite.

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